Le Grand Magal de Touba
Arrêté le 18 Safar 1313H ( le 10 août 1895) à Djewol (près de Louga ) par un détachement des autorités coloniales françaises, Cheikh Ahmadou Bamba est exilé pendant 7 longues années après un procès inéquitable. A l’issue de ce jugement sans appel, le Conseil Privé décida « à l’unanimité, après avoir entendu les rapports de M. MERLIN et LECLERC, et fait comparaître Ahmadou Bamba, qu’il y avait lieu de l’exiler au Gabon…Jusqu’à ce que… l’agitation causée par ses enseignements soit oubliée au Sénégal ». ( rapport du Conseil Privé, août 1895).
Quant au Magal qui commémore le départ du Cheikh vers l’exil au Gabon, lequel avait été décrété par le Conseil Privé lors de sa séance du 05 septembre 1895, « par mesure d’éloignement » afin de tuer dans l’œuf le Mouridisme naissant, c’est une recommandation de Serigne Touba à s’associer à lui pour rendre grâce au Maitre du Trône. Il dira dans un de ses sermons:« Quant au bienfait que DIEU m’a accordé ma seule et souveraine gratitude ne le couvre plus ; par conséquent , j’invite toute personne que mon bonheur personnel réjouirait de s’unir à moi dans la reconnaissance à DIEU, chaque fois que l’anniversaire de mon départ en Exil le trouve sur terre . ». C’est donc un acte de grâce et une forme de manifestation des bienfaits accordés à un anachorète qui se détourna de la vie d’ici-bas pour rendre service à Son seigneur et son prophète ( Abdullaahi wa xaadimu rassoul ).
Le Magal est également une belle occasion pour mieux s’imprégner des enseignements de Khadim Rassoul et pour mieux diffuser son message de paix et d’humanisme. Il participe à la cohésion sociale en regroupant près de trois millions de personnes d’ethnies, de confréries et de religions différentes. Dès son entrée sur la scène après la disparition de son père et la naissance du Mouridisme, Serigne Touba a systématiquement rejeté tout recours aux armes et toute alliance avec des rois injustes, se démarquant ainsi de la plupart de ses prédécesseurs. Pourtant, la ruée des adeptes vers Cheikh Ahmadou Bamba était si importante que l’administration coloniale l’avait suspecté de vouloir lancer un Jihad et avait fini par l’arrêter, avant de l’exiler au Gabon. Mais son pacifisme doctrinal était sans ambigüité comme en témoigne un célèbre poème, « Yaa Jumlatan », qu’il a rédigé pour réfuter les allégations de ses accusateurs, immortalisant ainsi son choix qu’il définit en l’opposant au Jihad armé: « Vous m’avez déporté en m’accusant de préparer le Jihad… Vous prétendez que des armes sont en ma possession… Vos propos selon les lesquels je prône le Jihad sont certes vrais. Cependant, je fais du Jihad par le savoir et la crainte de Dieu… Le Sabre avec lequel je décapite les ennemis de Dieu est la proclamation de Son Unicité…Mes canons sont le livre saint et ses versets…Les lances dont je dispose sont les Hadiths du Prophète….Les différentes branches des sciences religieuses sont autant de flèches acérées avec lesquelles je défends les traditions du Prophète…. Quant à celui qui m’espionne, je lui oppose un soufisme pur, clairement défini par de nobles gens ».
Ainsi le fondateur de la ville sainte de Touba adopte une démarche doctrinale et non circonstancielle purement pacifique conformément au coran dans un sens impérissable et réussit le transfert du Jihad du terrain militaire aux combats culturels.
La voie tracée par Serigne Touba montre bien que le pacifisme, loin d’empêcher le succès, en est un gage. Il a confié d’ailleurs à ses premiers disciples une sagesse très éloquente qui mérite toujours d’être rappelée à ce propos : « Kuy tooñ du mucc, kuy fayyu du ñong ». Toutes ses dimensions spirituelle, festive, économique et culturelle font que tout converge vers la ville de Touba: Ilâ Touba!!! Jërëjeëf Serigne Touba!!!